Les bâtiments et le beau parc du Sacré-Coeur de Lindthout
s'étendent aux confins de Woluwe-Saint-Lambert en un lieu où les
frontières tortueuses de cette commune semblent se disputer le
terrain avec la commune d'Etterbeek aux abords du square
Montgomery. La rue de Lindthout, qui, à une lettre près, évoque
évidemment la même origine toponymique, sert de limite entre ces
deux communes avant de plonger dans le territoire de Schaerbeek. Quant au quartier de Lindthout, dont la rue du même nom constitue
l'épine dorsale, il est pratiquement à cheval sur l'une et sur
l'autre, couvrant un espace urbain compris entre la frange de
Schaerbeek, le boulevard Brand Whitlock, l'avenue de Tervuren et
les approches du parc du Cinquantenaire, du côté duquel il
s'effiloche de part et d'autre de la rue de Lindthout.
Le toponyme Lindthout (ou "Linthout") est évidemment bien connu de ceux
qu'intéressent les noms des rues de l'agglomération bruxelloise, d'autant
que le quartier désigné sous cette appellation abrite une clinique
généralement baptisée de la même façon et que les Mères du Sacré-Coeur ne
sont pas les seules à s'y être installées, mais aussi les Dames de Maire,
les Frères Mariste et les Père Blancs. Si l'on consulte "la chanson des
rues d'Etterbeek" de Jean Francis , on s'aperçoit d'ailleurs que le
Lindthout apparaît comme quelque peu prédestiné aux implantations
religieuses, encore que celles du passé ne ressemblent guère aux
actuelles. Jean Francis raconte, en effet, qu'en ce lieu existait jadis le
bois de Lindthout et qu'au XVIe siècle, "l'endroit avait été choisi par
les luthériens pour y tenir des prêches clandestins". "Bernard van Orley,
peintre officiel de la ville de Bruxelles, ajoute-t-il, fut identifié
comme ayant participé à l'un de ces prêches où se retrouvaient les
partisans de la liberté. IL fut condamné à faire amende honorable en la
collégiale SS. Michel et Gudule. Entouré du peintre Jean van Conincxloo,
du tapissier van der Moyen, de ses parents, amis et connaissances, il dut
solennellement abjurer ses convictions et s'humilier en public".
"D'autres participants à des prêches dans le bois de Lindthout, écrit-il
encore, ne s'en tirèrent pas avec l'humiliation : persistant dans leur
conviction, ils subirent les pires traitements et furent finalement mis à
mort".
Certes, "l'homme ne vit pas que de pain, mais de toue parole qui vient de
la bouche de Dieu". Il n'empêche : un quartier qui se respecte se doit
d'avoir un centre commercial où ses habitants viennent prosaïquement
s'alimenter. Assez curieusement, la grande majorité des voies publiques du
quartier de Lindthout sont des rues et des avenues résidentielles plutôt
calmes, voire très calmes, tandis qu'un noyau commercial super-vivant est
pratiquement concentré du côté de la porte de Tervueren, et principalement
sur le territoire d'Etterbeek. On veut parler de la rue des Tongres et de
son voisinage, avec sa Galerie du Cinquantenaire, et son Passage Lindthout. En outre, le quartier est remarquablement desservi, et de la façon la plus
moderne, par les transports en commun. Le métro le longe, sous l'avenue de
Tervueren, avec ses stations "Merode" et "Montgomery". Le pré-métro des
boulevards de la Grande Ceinture suit sa limite Est, sous le boulevard
Brand Whiltlock, avec ses stations "Montgomery" - station de
correspondances - et "Georges Henri".
Que dire encore de ce quartier qui ne recèle ni vestiges d'un glorieux
passé ni monuments vénérables, sinon que, comme bien d'autres, les noms de
ses rues évoquent des souvenirs et des célébrités ?
L'avenue des Deux Tilleuls, qui longe d'un côté le Pensionnat du
Sacré-Coeur, rappelle évidemment (lindeboom = tilleul) le Lindthout
d'antan. Selon Jean Francis, les archives d'Etterbeek sont muettes quant à
la personnalité d'Henri Dietrich dont l'avenue longe un autre côté de
l'établissement. Un angle de celui-ci donne sur la rue Bâtonnier Braffort.
On se souviendra que, le 24 août 1944, des tueurs rexistes abattirent
sauvagement Louis Braffort, bâtonnier de l'Ordre des avocats, qui était né
à Villers-sur-Semois. Longeant un autre côté du pensionnat, l'avenue
Albert-Elisabeth ne nécessite pas d'explication ; c'est un hommage évident
au couple du roi Chevalier et de la Reine Infirmière. Enfin, bouclant
l'îlot, le boulevard Brand Whitlock évoque l'ambassadeur des Etats-Unis à
Bruxelles, qui, au cours des premières années de la Grande Guerre,
accomplit de généreux efforts pour venir en aide à la population affamée
par l'occupant. Au-delà, dans ce quartier, d'autres
noms méritent qu'on s'y attarde. Ainsi, la rue des Tongres, que bien des
gens rebaptisent erronément rue de Tongres, croyant qu'il s'agit de la
ville de ce nom, alors que les Tongres sont une ancienne peuplade de la
Gaule Belgique, au même titre que les Morins et les Ménapiens célébrés par
deux autres rues voisines. La rue Gérard évoque le général devenu maréchal
Gérard qui, en 1832, vint nous aider en mettant le siège devant Anvers
toujours tenu par les Hollandais. Rue Charles De Groux : un peintre. Rue
Henri De Braeckeleer : idem. Avenue Albert Jonnart : victime des Allemands
en 1944. Avenue des Rogations : où passait une procession du même nom.
Avenue Georges Henri : elle devrait s'écrire "Georges et Henri", car ces
prénoms sont ceux des deux fils d'un propriétaire dont les terrains furent
expropriés pour tracer l'avenue... Sauf erreur ou
omission, le tour est ainsi fait. Marcel JACQUES
(Article paru dans La Libre Belgique du Mercredi 9 juin 1982)
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