Une jeunesse en quête de sens
par Monsieur Guy Bajoit, professeur de sociologie à
l'UCL
auteur de :
-
"Jeunesse et société : la socialisation des jeunes
dans un monde en mutation"
(Edition De Boeck, Bruxelles, 2000)
-
"Les jeunes dans la compétition culturelle"
(Edition Puf, Paris, 1995).
Le travail de chercheur de Guy Bajoit,
Professeur de Sociologie à l'Université Catholique de Louvain, l'a amené à
scruter les représentations des jeunes, la façon dont ils se situent par
rapport aux mutations culturelles, leurs rapports aux études et à la vie
professionnelle, leurs projets personnels.
Le rapport entre générations
Dans
un monde qui change peu les générations vivent en harmonie et les jeunes
adhèrent aux valeurs de leurs parents. Par contre, lorsque la société
évolue rapidement, les jeunes doutent des valeurs de la génération
précédente.
Quels sont les principaux changements au point de vue social et
culturel ?
Nous passons de l'état providence vers une société de
consommation, de compétition, de mondialisation et de communication. Au
point de vue économique, politique et social, cela signifie un
bouleversement culturel profond.
Auparavant l'individu se réalisait en
faisant son devoir. Un ensemble de valeurs et de croyances orientaient sa
vie.
Actuellement c'est l'individu qui est au centre de toute
préoccupation.
Quel modèle culturel impose ce grand individu abstrait
?
Aujourd'hui, pour un jeune, se conformer à un modèle culturel signifie
obéir à quatre commandements :
• Deviens toi-même, sois authentique
• Exerce ton libre arbitre. Choisis tes amis, tes études, ta
religion, ton conjoint, ton travail, ta mort
• Profite bien de la vie. Sois heureux, relax, bien dans ta tête et
ton corps. Trouve de la passion dans ce que
tu fais.
• Sois prudent. Tu vis dans un monde de risque.
En terme de pilotage,
il y a moyen de créer un contrat social à partir de ce modèle. Ce que vous
voulez pour vous, vous pouvez le vouloir pour les autres. Nous en avons
pour preuve tous les mouvements actuels de solidarité.
Les pièges de la socialisation
Pour être soi-même il faut savoir qui on est, avoir un
talent. Or beaucoup de jeunes ne savent pas qui ils sont. De plus ils
croient qu'ils devraient le savoir. Donc, ils procèdent par essais et
erreurs, se trompent, relativisent. Et cela jusqu'à un âge avancé. Les
modèles identitaires qu'on leur proposent par le biais de la T.V., de la
publicité, mettent la barre très haut.
Les pièges du libre arbitre :
On donne
aux jeunes l'impression que la liberté est sans limite, que le monde est
vide, que tout est possible. Or le monde est plein et l'autorité existe
encore mais elle est dissimulée. Le chômage, la pauvreté, l'exclusion
sociale limitent la liberté.
Le plaisir et la passion :
Pour vivre une
passion, par exemple jouer au violon, il faut aller au bout d'un choix.
Pour atteindre un but il y a des sacrifices à faire. La persévérance est
indispensable.
Les pièges de la sécurité :
Si on veut se réaliser, il faut
prendre des risques, ce qui est contraire au discours sécuritaire.
Quelle
pédagogie à adopter ?
Les professeurs disent que les élèves sont démotivés
et indisciplinés. Compte tenu de ce qui est expliqué plus haut, ce n'est
pas étonnant car la mutation culturelle a changé le rapport au travail et
au devoir. Il faut donc rendre aux jeunes la norme compréhensible et en
discuter si on veut qu'ils l'acceptent. Si on change le rapport au travail
et à l'autorité, les tâches prennent sens.
Résumé de la conférence par
Yolande Boucquey
Membre du Bureau de l'ANASC |